Le doyen des journalistes à Sfax monsieur Ali Baklouti :
« Si on me laisser faire je fondais un journal dans chaque gouvernorat»
J’ai rencontré le 18 novembre 2019 au siège du journal “CHAMS EL JANOUB” M. Ali Baklouti, qui a été honoré par la Bibliothèque nationale le 8 novembre 2019 dans le cadre de la réunion sur la presse régionale et notamment l’expérience de “La Gazette du Sud” et de « CHAMS EL JANOUB ».
Cet honneur survient alors que la Bibliothèque nationale vient d’achever la numérisation des périodiques régionaux et la publication de l’index.
Q: Tout d’abord, je vous félicite pour l’honneur national qui vous a été rendu et
qui est venu après plus de 40 ans de travail au service de la presse régionale. Cet hommage, bien que tardif, reconnaît clairement l’importance de la presse régionale, il est aussi une reconnaissance de votre lutte et de votre combat depuis des décennies.
R: Je me sens en effet très honorée d’avoir été l’objet d’un hommage qui m’a été rendu à la bibliothèque nationale il ya quelque semaine. Je dois remercier Mme la directrice régionale de la bibliothèque nationale d’avoir eu cette idée qui est arrivée peut être un peu tard mais qui t’arrivé quand même. Je dois estimer que cet hommage a été rendue à tous ceux qui avec moi avons lancés cette presse régionale il y’a plus que 40aine d’année et qui a fait école à Sfax aussi bien que dans le sud d’ailleurs parce que dans le sud nous entends quelque chose comme 50 journalistes qui sont passées par « La Gazette du Sud ». C’est une performance que j’ai eu l’honneur de conduire et je pense qu’elle a donné ces fruits dans la mesure où plusieurs dizaines d’amateurs de journalistes on fait carrière dans la presse écrite aussi bien que dans la presse des autres médias.
Q: Comment les deux magazines “CHAMS EL JANOUB” et “La Gazette du Sud” ont pu tenir leur périodicité pendant plus de 40 ans malgré les difficultés et les défis ?
R: Nous avons une chance que notre dieu tout puissant nous a apporté d’avoir tenu le coup et décidé de poursuivre la tâche qui nous est attachée et il n’est rien que l’effort, l’indolence et la persévérance qui permettent à un projet de continuer sa route. Je crois que j’étais parmi cela et je me disais toujours que Bourguiba a toujours été très clair avec les tunisiens et il a dit que « edwam yonkob erkham » c’est-à-dire la persévérance peut amener à tous. Et je continue la même aujourd’hui malgré les difficultés. Je remercie Dieu que de nous avoir donné suffisamment de courage et de lucidité pour que ce projet-là parvienne à bâtir le record de langue de tous les journaux de la presse écrite à Sfax il y’a une centaine d’années.
Q: Vous avez parlé de l’émergence du mouvement de la presse à Sfax et de sa prospérité entre la première et la deuxième Guerres mondiales, du rayonnement de la presse avant et après l’indépendance et de sa contribution au mouvement de lutte nationale. Aujourd’hui, la plupart des journaux et magazines régionaux ont disparu, y a-t-il des craintes pour l’avenir de la presse régionale ?
R: La presse écrite à Sfax a connu son printemps durant la 1ére moitié du 20 ème siècle c’est-à-dire de 1900 jusqu’au 1950 la veille de l’indépendance. « La dépêche sfaxienne ” a été le premier à apparaître à Sfax et derrière lequel ont trouvé « la compagnie Sfax Gafsa “. La dépêche sfaxienne » a résisté durant une 40aine d’année quotidiennement. Et elle n’a arrêté que quand son imprimerie a été bombardée en 1942. Mais dans son entourage il y avait plusieurs autres petits journaux notamment ceux qui étaient publiés par des tunisiens tel que Zouhaier Ayadi qui a publié « La Tunisie nouvelle ». Il y avait d’autres tentatives même dans la communauté Juif que l’on peut estimer à 600 personnes qui vivaient à Sfax. Et cette communauté avait son propre journal. Les tentatives qui ont étaient faites par les éléments indigène c’est-à-dire par les Sfaxiens eux même, n’ont pas réussi à faire dans la durée pour une raison très Simple c’est que dans nos coutumes – les sfaxiens – nous n’avons pas beaucoup de temps pour la chose écrite que ce soit pour les livres ou pour les journaux. Et cela continue quand on sait que 1% seulement de la population continue à lire.
Q: La prospérité de la presse à Sfax a été associée à la prospérité de la culture dans la ville, telle que l’époque des pionniers de la culture comme Mohamed Chaabouni, Mohammed Qasim Emessedi, Mohammed Mahfouz, Ahmed Elleuch, Mohamed Habib Salami, Abdelaziz Achish et Amer Tounsi … Trouvez-vous que l’époque du « leadership » est révolue ou pensez vous que Sfax demeure donatrice ?
R: Vous avez apporté les noms de certaines personnes qui se sont épanouies dans les années 60 et 70. Il y en a beaucoup avant, surtout dans la période coloniale qui a été de véritables vétérans de la culture à Sfax et qui ont milité. Dans les années 30 et 40 il y avait rien que dans la médina de Sfax 18 associations culturelles et jeunesses. Et c’étaient les vrais habitants de la ville qui défendaient leur ville contre une poussée de plus en plus de modernisme ou de la francisation.
Sfax est toujours donatrice, il suffit de remonter dans l’histoire de cette ville qui été une histoire millénaire. Et ceci a été rapporté dans les livres tels que « Nozhat el andhar » de « Echikh Megdich ». Mais ça continue.
Q: A l’ère du numérique et face à la prolifération des moyens de communication sur le web, pensez-vous que les médias régionaux puissent tenir le coup et continuer à jouer leur rôle dans les années à venir?
R: On pense que la presse écrite est passée de mode ! C’est une attitude que je ne partage pas. Au contraire, je considère toujours que le livre est le meilleur ami qui soit, qu’un journal est un moyen de s’informer et de se cultiver. Alors que les moyens électroniques d’aujourd’hui ont peut-être du charme notamment du côté des jeunes mais ça ne permet pas d’avoir une culture telle que reçue par les générations fêtaient. Par exemple, notre génération était plus réceptive à la culture et à la lecture. Tout ceci n’existe pas dans les nouveaux médias.
Q: Pourtant « si Ali » les autres médias nous informes aussi mais avec plus de rapidité en partageant l’information.
R: Les autres médias sont les bienvenus. Chaque média joue le rôle particulier pour lequel il a été fait, hors dans l’Amérique, l’Europe, même la Chine et le Japon. Un journal au Japon –par exemple- tire jusqu’à 15 millions d’exemplaires par jour. Et ils ont plusieurs journaux. Cela veut dire que le journal est une université, il touche à tous et il répond à tous. Je cite un proverbe très connu qui dit « rien ne vaut la chose écrite ». Ainsi le passé éclaire le présent c’est grâce à quoi ? Grâce à l’archivassions des choses écrites.
Q: Ne voyez-vous pas que la mise en place réelle du système décentralisé et la mise en place future de la démocratie locale pourraient booster les médias régionaux, quels que soient leurs moyens et leurs supports?
R: Je considère qu’il est encore temps de sauver le papier. Si on me laissait faire, je lancerais et je fondais un journal dans chaque gouvernorat. Djerba par exemple avait son journal en 1920. Je pense toujours que les choses écrites comptent beaucoup pour la mémoire collective d’une ville.
Q: Quelle est votre stratégie pour maintenir la périodicité et la pérennité de l’édition de “CHAMS EL JANOUB” et de « La Gazette du Sud » ? Projetez-vous de les publier en version électronique en plus des versions sur papier, comme c’est le cas de nombreux journaux et magazines tel que «Leaders» de monsieur Taoufik El Habaieb, qui a commencé sa carrière dans votre journal « La Gazette du Sud » ?
R: Les journaux resteront. « La Gazette du Sud » continuera, et “CHAMS EL JANOUB” aussi malgré que je suis en train depuis des années de rechercher de jeunes plumes capables de perdurer l’œuvre des années encore durant. Il y on n’avait pas surtout la langue française.
Concernant la version numérique, elle existe déjà. Nous sommes abonnés à Tunisie télécom presse, le journal est lu par les abonnées et le système permet aux abonnées aussi de lire les journaux de 30 et 40 pays.
Concernant Tawfiq El Habaieb est un pur produit de cette école de Ali Baklouti qui faisait confiance au jeune. Il a commencé avec moi à l’âge de 17 ans et j’ai joué l’encadreur de rôle avec lui.
Q: Merci de m’avoir donné l’occasion de discuter avec vous, de remémorer l’âge d’or de la presse régionale de Sfax et de prévoir l’avenir.
R: Grand merci à vous. Et je suis toujours à votre service.
Réalisée par : Hefien Faten
Etudiante Cross-Media
18 novembre 2019