TAEIB TRIKI : Soldat de l’ombre de l’éducation tunisienne
En 1957, la Tunisie est proclamée République sous la présidence de Habib Bourguiba. Le jeune président charge l’écrivain Mahmoud Messaadi du Ministère de l’Education Nationale.
Littéraire de vocation, ce dernier fait appel à un jeune talent, titulaire, à son tour, d’un diplôme en littérature arabe, c’est Taeib Triki, à l’époque enseignant au Lycée Carnot et secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire.
Désormais chef de son cabinet, Taeib Triki quitte l’enseignement et rejoint l’équipe Messaadi qui a travaillé pour la généralisation et l’unification de l’enseignement durant une dizaine d’années (mai 1958-juin 1968).
Il a été invité à créer la Faculté de Médecine. Il fonde le Centre National Pédagogique (CNP) et le dirigera. En 1970, T. Triki propose la création de l’Office National des Œuvres Universitaires (ONOU).
Son patriotisme, son humanité et son sens profond des nécessiteux le poussa en 1963 à fonder la maison des étudiants «Dar Ettilmidh» à Sfax dans un bâtiment qui s’appelait autrefois «Boura El-Allouch» et en 1967, il a fondé l’association « EL moustakbal ethakafi bi Agareb » (L’avenir culturel à Agareb)
La création de cette résidence avait pour but de fournir un hébergement et des repas à bas prix ou gratuits pour les orphelins et les cas sociaux vulnérables venant de toute la Tunisie pour étudier à Sfax.
Taeib Triki a souffert de la privation puisqu’il a très peu connu son père, Hassen Triki, Zeitounien et notaire. En effet, à l’âge de 9 ans, le jeune Taieb perd son père, il grandit dans la maison familiale de son grand-père maternel. Sa mère Yasmina Ellouze, entreprend des travaux de couture pour payer les études de son fils.
À la fin de ses études à l’école Sadiki, il poursuit son cursus universitaire à l’Institut des Hautes Etudes, annexe de La Sorbonne à Tunis. Faute de moyens, il ne pouvait continuer ses études d’ingénieur en France. Pour financer ses études, il occupe le poste de surveillant à l’Ecole Normale de Tunis.
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Sa carrière d’écrivain commence dans les années cinquante. Il publie de courtes nouvelles dans les revues Al Nadwa et Al Fikr.
Cette littérature intéresse également les sociologues et même le juriste Yadh Ben Achour qui fait allusion aux livres de Taïeb Triki et parle de concepts en devenir, « Adl, Dawlah, Haq, Siyada, Sha’b» (Justice, Etat, Droit, Souveraineté, Peuple).
Un nouveau genre littéraire qu’étudient plus tard ses collègues et amis Tawfik Baccar, Mongi Chemli, Yadh Ben Achour et beaucoup d’autres.
Des images de ses amis
De son côté, Mongi Chemli parle de réalisme social dans les écrits de Taïeb Triki, alors que Tawfik Baccar insiste sur les tableaux de grande misère décrits dans certains titres.
Lorsqu’il part à la retraite, Taïeb Triki se consacre à l’écriture et la littérature enfantine. Il a été le rédacteur en chef de la revue Qaws Quzah (Arc en ciel) durant douze ans (1984-1996). Il traduit des dizaines de contes pour enfants. Il écrit aussi pour la radio nationale de nombreux textes à lire dans l’émission «Mutalaat» (Lectures) et traduit quelques chapitres du Petit Prince de Saint-Exupéry.
Il écrit aussi Chajaratu-lawz (L’Amandier) un roman d’inspiration autobiographique qui démontre son amour et son attachement à ses racines, à la terre et surtout au «Jnen» que chérissait tant sa mère, Yasmina Ellouze.
En 2008, il considère la traduction de Salammbô l’œuvre colossale de Flaubert en arabe comme la pièce maîtresse de sa carrière d’écrivain. Cela lui rappelle sa vie de lycéen à Sadiki et sa fascination pour l’histoire de Carthage. D’ailleurs, c’est sur la colline de Byrsa à Carthage qu’il préparait ses examens de fin d’année avec quelques camarades.
Sa fidélité à ses racines et son amour pour sa ville natale ont incité un groupe de jeunes auquel je suis fière d’appartenir à lui rendre hommage de sa vie. Un forum littéraire portant le nom de Taieb Triki a été organisé à Agareb et ce pendant toute une décennie (2001-2010).
Taieb Triki est décédé à l’âge de 95 ans, le 31 janvier 2016 à Carthage. Depuis, la gratitude et la reconnaissance de toute une génération n’ont cessé de se renouveler.
La ville de Sfax a célébré la mémoire de cet intellectuel dévoué le 20 mars 2016 à Agareb
En 2017, j’ai publié, moi-même, Faten Hafien, une biographie qui retrace la vie, la lutte et les écrits du Soldat de l’ombre de l’Education tunisienne.
Taieb Triki est et restera un grand homme ; il a fait figure de père spirituel pour tous ceux qui ont partagé son sens du devoir et de l’engagement.
Hefien Faten